Un entretien prémonitoire et un retour de terrain
Dans cette rediffusion estivale du podcast Photo Storia, Julien Gérard s’entretient à nouveau avec le photojournaliste Éric Bouvet. L’épisode original, enregistré quelques jours avant l’invasion russe, prend une nouvelle dimension. Éric Bouvet y confiait son espoir de ne plus voir de guerre majeure en Europe. La suite de l’histoire lui a donné tort, et il est rapidement parti couvrir le conflit. Cette introduction inédite est l’occasion de revenir sur son expérience, ses analyses à chaud et les leçons tirées de ces mois passés sur le terrain, où la situation reste chaotique pour toutes les parties.
Le sonorama : quand le reportage audio réinvente l’image
Au cœur de cette expérience ukrainienne se trouve une innovation média fascinante : le sonorama. Développé avec son ami Amaury Mestre de la Roque, ce format combine une photographie forte avec un enregistrement sonore où Éric Bouvet raconte l’histoire de l’image, ses émotions, sa fatigue, sa colère. Ce type de reportage audio offre une intimité et une immersion rares. L’auditeur ne se contente plus de voir une photo ; il entre dedans, guidé par la voix du reporter. Cette approche a permis de créer un lien très fort avec le public, qui a pu suivre le conflit d’une manière beaucoup plus personnelle et directe.
Un nouveau modèle économique pour le journalisme indépendant ?
Face aux coûts exorbitants d’un reportage en zone de guerre (environ 500 euros par jour), Éric Bouvet a dû trouver des solutions de financement alternatives. Au-delà du soutien de médias comme Polka, c’est surtout le public qui a répondu présent. Suite au succès des sonoramas, un crowdfunding a été lancé pour financer un journal de route sur son travail en Ukraine. Cette mobilisation massive montre l’appétit du public pour un journalisme sans filtre, en direct, loin des lignes éditoriales des grands médias. C’est peut-être l’émergence d’un modèle où le reporter est directement soutenu par ceux qui le lisent et l’écoutent, garantissant une indépendance totale et une connexion authentique.
L’éthique au cœur du reportage
Malgré quarante ans de carrière et une reconnaissance internationale, Éric Bouvet fait preuve d’une humilité frappante. Il rappelle que l’essentiel n’est pas le photographe, mais les personnes photographiées. Leur dignité, leur histoire, voilà ce qui doit rester. Chaque cliché est une responsabilité, celle de témoigner avec justesse et respect. C’est cette éthique qui transparaît dans son travail et qui explique sans doute la confiance et la fidélité de son public.
Diffusé également sur Wave Storia.
Un projet maison réalisé par Audio Pictura.